Et Pourtant C'est bien moi...
Projet mené en 3e, en autonomie
Plusieurs travaux à rendre, sous un même support, au choix de chacun.
Tâche finale du cycle "Se raconter, se construire"
Sur cette photo, je dois avoir environ 6 ou 7 ans. Allongée sur le lit bleu, chez mes grand-parents, le menton posé sur les mains croisées. Au bout de mes doigts, les ongles rongés, mauvaise habitude dont j'ai réussi à me séparer quand j'avais plus de vingt ans. Le bleu domine cette image : le dessus de lit, les rayures de mon bermuda et mes yeux...
J'aurais donc eu les yeux bleus? Non, plutôt un effet du flash qui transforme mes pupilles en points lumineux. D'ailleurs, mes iris ne sont pas si bleus que cela, en réalité... Ils tendent au vert. Mais je n'ai pas les yeux verts non plus. Mes yeux sont perses. Et je n'ai plus ces mèches blondes, ni cette frange légère et rebondie qui vient balayer mon front, comme une fantaisie dans cette coupe au carré que j'ai définitivement abandonnée au collège.
Un bermuda et la peau bronzée. Alors que j'ai le teint pâle et que je brûle au moindre rayon de soleil.
Le cliché a sans doute été saisi en été. La vue en plongée prouve que le ou la photographe était debout. Sans doute ma mère...
Les joues rondes, les sourcils fins... L'air fatigué... Oui, c'est bien de moi qu'il s'agit. Pas envie d'être prise en photo, je n'aime toujours pas cela. Le regard de quelqu'un qui a l'air de s'ennuyer, de ne pas savoir quoi faire. Je ne souris que lorsque j'en ai envie, pas quand on me le demande.
Je peux encore éprouver la lassitude ressentie pendant ces longs mois estivaux, loin de chez moi, de mon école et de mes camarades. Les journées rythmées par les programmes TV, les escapades dans les champs de maïs, où je me suis perdue, et les après-midis à la plage. A partir du 10 août, l'impatience de retourner à l'école. Après la petite enfance, les animaux de la ferme m'ont de moins en moins intéressée et je m'en suis complètement éloignée, préférant lire, perchée dans mon pommier, ou regarder des films, enregistrés sur des VHS.
Quand je fixe ces yeux qui ne sont plus les miens, j'en veux à cette fillette qui ne comprend pas comme elle pourrait être heureuse. Je voudrais la tirer par le poignet et l'emmener dans l'étable, lui jurer qu'un jour, elle regrettera de ne pas avoir chaussé ses bottes de caoutchouc pour profiter de cet univers qui lui manquera!