Nathalie Saraute, Enfance, 1983
Dans cette autobiographie, Nathalie Saraute raconte son enfance, partagée entre la Russie et la France, en insistant notamment sur la sévérité de sa mère, avec qui elle se retrouve seule, quand ses parents divorcent. Le texte semble manquer de fluidité ; on passe d'un souvenir à l'autre, sans forcément de transition.
Surtout, le texte est construit dans un dialogue de l'autrice avec elle-même. Dans ces échanges, Nathalie Sarraute oscille entre les émotions de l'enfance qu'elle peut encore éprouver et la recherche objective de l'écriture du souvenir. Une part d'elle-même est submergée par l'émotion (la rancoeur, peut-être?) et c'est un portrait bien péjoratif de la mère qui nous est offert. Mais elle porte aussi une autre voix, avec laquelle elle est en recherche de vérité, comme si l'autrice s'imposait un pacte autobiographique irréprochable.
Ce dialogue avec elle-même aide le lecteur à percevoir le regard qu'elle se porte, car elle tente de s'éloigner de ses émotions. On comprend alors que l'enfant qu'elle était est encore très vivante en elle puisqu'elle peut, encore au moment de l'écriture, éprouver son chagrin. Mais elle montre également tout le chemin qu'elle a parcouru, grâce à son processus d'écriture. Elle est devenue une artiste posée, et pondérée, qui cherche la vérité. Elle essaie de se détacher de cette enfant sensible pour regarder le monde avec plus de sincérité.
Et c'est peut-être là que l'on peut deviner l'objectif d'écriture de l'autrice : comment faire une autobiographie parfaite? Comment dire le passé dans la vérité la plus totale? Comment dire les événements, les sentiments que l'on a éprouvés et que l'on éprouve encore, en repensant à ces moments?